Delphine Martocq - La sculpture est une épure - Matières d(hiver)ses
Son travail est épuré, monochrome. Raffiné. Du blanc quand elle travaille le plâtre. Du presque noir quand elle torsade des fils de fer pour leur donner la forme de ces branches noueuses qui tordent les chênes. Et la douceur d'une belle lumière hivernale. Ses figures sont aussi graciles que poétiques. Vol suspendu d'une chouette, pas de deux d'autruches en tutu, ou conversation chuchotée entre girafes.
Les matériaux bruts ont ses faveurs, de la terre ou du plâtre agrémentés de bouleau, de ficelle de chanvre, d'écorce ou de grillage. Le bronze ou la résine s'en mêlent parfois, pour une inscription dans un temps plus long. Dans l'oeuvre de Delphine Martocq, la nature est une évidence. Le monde végétal et le règne animal l'émeuvent, l'attirent et l'inspirent. Mais elle s'est déjà frottée à Don Quichotte et à Icare, figures singulières égarées par leurs rêves, perchées sur d'autres astres.
La sculpture s'est invitée dans sa vie voilà vingt-cinq ans. Avant il y avait eu des études d'économie, une première carrière dans la finance, trois enfants. Et le dessin, qui depuis toujours l'accompagne, comme un passe-temps ou une échappée. Un séjour au Maroc la met aux prises avec la matière - ce sera la terre pour commencer- et lui livre sa première sculpture, un buste d'après Rodin. Elle n'a cessé depuis d'explorer et de pratiquer cet art, avec passion, modestie et constance.
Nathania Cahen - ELLE
L'interview - Morceaux choisis
La sculpture -« C'est autant le travail de la matière que la vision en 3D qui m'ont séduite. Et par-dessus tout, la confrontation physique, le corps à corps avec la forme qui s'ébauche. Tu es debout, tu tournes autour, te casses le dos, t'écorches les mains. Une quantité de gestes incroyable. Une fatigue qui galvanise. »
La nature-« Je l'admire beaucoup, elle est d'une infinie variété, elle me parle. Un bel arbre peut m'inspirer beaucoup d'émotion ».
Le plâtre -« Parce qu'il permet la légèreté et le mouvement. Des choses acrobatiques et aériennes. Il est travaillé autour d'une armature, ce qui offre de nombreuses possibilités, avec des figures qui marchent mais peuvent sauter et même voler.J'en ai fait surtout des animaux et des bas-reliefs ».
Les arbres -« Le plâtre ne convenait pas pour les branches. J'avais des rouleaux de fil de fer recuit (donc noir) dans l'atelier, j'ai essayé. Pour les premiers, je déployais leurs branches au fur et à mesure, sans savoir où j'allais. Mais le résultat manquait de personnalité. Alors j'ai pris des arbres en photo, des chênes surtout parce qu'ils sont impressionnants, montent très haut, sont très différents selon le lieu où ils ont grandi. À partir de ces photos, je sculpte aujourd'hui des portraits d'arbres, en suivant leur architecture. Cela me ramène au dessin car, d'une certaine manière, je les dessine dans l'espace comme on tire un trait. Certains, mes« Paysages imaginaires», sont petits, enchâssés dans des cages en bronze
D'autres surnommés « Vanités » s'échappent de maisonnettes en terre. Quelques-uns sont beaucoup plus imposants.
Le travail du fil de fer - « C'est très long et fastidieux, je peux passer une journée entière à tresser et tordre les fils pour avancer de dix centimètres la structure d'une branche ... »